» La raison est cette boussole capricieuse qui prétend nous guider dans les tempêtes de l’existence, ce phare orgueilleux qui tente d’éclairer les abysses de la condition humaine. C’est l’illusion du contrôle face au chaos du monde, le mensonge nécessaire que nous nous racontons pour ne pas sombrer dans la folie du réel. La raison est ce mur que nous érigeons contre les assauts de l’irrationnel, cette digue fragile face à l’océan tumultueux de nos instincts. Elle est à la fois notre plus grande force et notre plus grande faiblesse, cette prétention à comprendre l’incompréhensible, à expliquer l’inexplicable. N’est-elle pas simplement qu’un voile pudique jeté sur le mystère vertigineux de l’existence, une tentative dérisoire de mettre en équation la poésie du vivant ? «
Au cœur de la tourmente, lorsque les vents contraires de l’existence menacent de nous faire chavirer, elle se dresse, imperturbable : la raison. Cet étrange compas qui prétend nous orienter dans le labyrinthe de nos vies, cette lanterne magique projetant ses ombres vacillantes sur les murs de notre ignorance.
La raison. Quel mot présomptueux pour décrire ce fragile édifice que nous construisons sur les sables mouvants de notre compréhension ! Les fous la rejettent, les sages s’y accrochent, mais qui peut prétendre avoir trouvé le juste équilibre entre ces deux folies ?
Sur les chemins escarpés de mes errances, j’ai rencontré des hommes-machines, des automates de la logique, programmés pour nier tout ce qui échappe à leurs algorithmes existentiels. Ils arpentaient le monde armés de leurs théorèmes, ignorant que la vie se rit des équations, que l’amour nargue les statistiques, que la beauté transcende toute analyse.
Qu’on ne s’y trompe pas : la raison n’est pas cette forteresse imprenable que les philosophes des Lumières ont voulu ériger. Elle est plutôt ce château de sable que nous reconstruisons inlassablement, sachant pertinemment que la prochaine vague de l’irrationnel viendra le balayer.
J’ai connu des nuits où la raison vacillait comme une flamme dans la tempête, où les certitudes du jour s’effilochaient comme de vieux tissus usés. C’est dans ces moments de doute vertigineux que l’on mesure toute la fragilité de notre édifice mental, ce pont de fortune jeté au-dessus de l’abîme de l’inconnu.
Les verbes brillants de ceux qui croient avoir tout expliqué sont des miroirs où se reflète leur propre illusion. Ils traversent l’existence comme des géomètres dans un jardin sauvage, tentant désespérément de réduire la luxuriance de la vie à quelques formules arides. La raison, elle, devrait être ce pinceau qui esquisse des hypothèses sur la toile de l’inconnu, non ce rouleau compresseur qui aplatit les reliefs de la réalité.
Certains la confondent avec la vérité, cette illusion que nous poursuivons sans jamais l’atteindre. La raison n’est qu’un outil, une lorgnette à travers laquelle nous scrutons l’horizon de notre ignorance. Elle est cette carte approximative que nous dessinons des territoires inexplorés de l’existence, sachant pertinemment que la réalité débordera toujours des frontières de notre entendement.
Il y a ces hommes qui se perdent dans le fond de leur propre logique, prisonniers des murs qu’ils avaient eux-mêmes érigés. Pauvres dédales modernes, oubliant que le labyrinthe de la vie ne se résout pas par la seule géométrie de l’esprit, mais par les ailes de l’intuition et de l’imagination !
Ceux qui s’enorgueillissent de leur rationalité sont comme ces explorateurs qui croient pouvoir conquérir les sommets à coup de calculs et de planification. Ils ignorent que la montagne garde toujours ses secrets, que l’ascension véritable se fait autant avec le cœur qu’avec la tête.
La raison est ce fil d’Ariane que nous déroulons dans le labyrinthe de l’existence. Mais prenons garde : à trop vouloir cartographier le mystère, nous risquons de perdre cette capacité d’émerveillement qui fait de nous des êtres vivants, et non de simples machines à penser. Laissons des espaces vides dans notre compréhension, des zones d’ombre dans notre savoir, car c’est dans ces interstices que peut s’épanouir la fleur rare de la sagesse véritable.
La raison, en définitive, n’est pas cette lumière aveuglante qui dissiperait tous les mystères, mais plutôt cette luciole dans la nuit de notre ignorance. Elle éclaire par intermittence le chemin, nous rappelant à chaque clignotement que l’obscurité qui nous entoure est peut-être le plus grand des trésors.
Soyons ces lecteurs humbles qui savent que chaque explication n’est qu’une note de bas de page, chaque théorie un brouillon perfectible. Car c’est dans cette conscience de nos limites que réside paradoxalement notre grandeur, dans cette acceptation de l’inconnu que se trouve notre véritable liberté.
La raison est notre bouclier contre la folie du monde, certes. Mais n’oublions jamais que c’est dans les fissures de ce bouclier que s’infiltre la lumière de la vérité, que c’est dans les failles de notre logique que s’engouffre le vent vivifiant de l’inspiration. Être raisonnable, c’est peut-être finalement accepter que la déraison a aussi sa place dans l’équation complexe de notre humanité.
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