Le Silence de la Pensée

Le Silence de la Pensée

Éloge de la Vision Brute

« Dans la pénombre de notre conscience, le mental émerge tel un intrus, projetant notre ego mesquin sur le monde qui nous entoure. C’est une mascarade subtile, un jeu de miroirs où notre reflet se superpose à la réalité brute. Nous sommes comme ces explorateurs d’antan, convaincus de découvrir des terres vierges alors qu’ils ne faisaient que projeter leurs fantasmes sur des contrées déjà habitées.

L’art de voir, véritablement voir, est un exercice d’une rare difficulté. Il faut se débarrasser de ce voile mental qui obscurcit notre regard, tel un brouillard tenace sur une vallée au petit matin. La pensée et la perception sont deux bêtes bien distinctes : l’une rugit dans notre tête, l’autre observe en silence.

Notre ego, ce petit tyran capricieux, utilise le mental comme un pinceau pour repeindre le monde à sa guise. Il transforme chaque objet, chaque être, en une toile sur laquelle il projette ses désirs, ses craintes, ses jugements. C’est un artiste médiocre, mais prolifique, qui ne cesse de barbouiller la réalité de ses couleurs ternes.

Pour voir le monde tel qu’il est, il faut avoir le courage de poser ce pinceau, d’arrêter cette frénésie créatrice qui déforme tout. C’est un acte de bravoure, car il nous laisse nu face à une réalité que nous avons longtemps fui. Mais c’est dans cette nudité que réside la véritable liberté.

Nous sommes comme ces prisonniers de la caverne de Platon, convaincus que les ombres sur le mur sont la réalité. Nos pensées sont ces tâches noires trompeuses, ces illusions qui nous empêchent de voir la vraie nature des choses. Il faut briser nos chaînes, se retourner et affronter la lumière aveuglante de la vérité.

Notre esprit est un juge implacable, toujours prêt à étiqueter, à catégoriser, à enfermer le réel dans des cases étroites. « Bon », « mauvais », « juste », « faux » : autant de prisons conceptuelles dans lesquelles nous enfermons le monde. Mais la réalité est sauvage, indomptable. Elle se moque de nos catégories, de nos jugements moraux, de nos petites certitudes.

La déception naît de cet écart entre nos attentes et la réalité. Nous sommes comme ces alpinistes qui rêvent d’un sommet idéalisé, pour découvrir au terme de leur ascension une cime banale, balayée par les vents. La beauté était dans l’ascension elle-même, dans l’effort, dans l’acceptation de la montagne telle qu’elle est, et non telle que nous l’avions imaginée.

Voir le monde tel qu’il est exige une forme de courage. C’est accepter notre propre insignifiance face à l’immensité du réel. C’est renoncer à nos illusions confortables pour embrasser une vérité parfois brutale, souvent déroutante, mais toujours plus riche que nos pauvres fantasmes.

Dans ce silence de la pensée, dans cet arrêt du bavardage mental, s’ouvre un espace de liberté. C’est là, dans ce vide apparent, que nous pouvons enfin rencontrer le monde, sans filtre, sans attente, sans jugement. C’est un retour à une forme de pureté, à une innocence perdue. Voir, simplement voir, comme un enfant qui découvre le monde pour la première fois, avec des yeux lavés de tout préjugé.

Dans cette quête d’une perception pure, libérée des chaînes de notre mental, ne risquons-nous pas de perdre ce qui fait notre humanité même ? Car si nos pensées, nos jugements, nos projections sont autant de voiles qui obscurcissent notre vision du réel, ne sont-ils pas aussi les couleurs qui donnent sens et beauté à notre existence ? En cherchant à voir le monde tel qu’il est, ne nous condamnons-nous pas à une lucidité stérile, dépouillée de l’imagination qui a poussé l’homme à créer, à rêver, à transcender sa condition ? N’y a-t-il pas une forme de sagesse dans cette folie douce qui nous fait préférer parfois le mirage à l’oasis, le mythe à la réalité crue ? »

Pourquoi j’ai écrit ce texte?

J’ai écrit cette réflexion comme on lance une bouteille à la mer, ou plutôt comme on jette un caillou dans le lac paisible de nos certitudes. Je voulais créer des rides à la surface de nos esprits trop tranquilles, trop habitués à se voir refléter dans le miroir du monde.

L’idée m’est venue lors d’une de ces longues nuits sibériennes, où le silence et l’obscurité vous forcent à faire face à vos propres pensées. J’ai réalisé à quel point nous sommes prisonniers de notre propre esprit, comment nous peignons le monde avec le pinceau de nos préjugés, de nos désirs, de nos peurs.

Ce texte est né d’une frustration, celle de voir combien nous passons à côté de la réalité brute, combien nous sommes aveugles à la beauté simple des choses telles qu’elles sont. J’ai voulu secouer le lecteur, l’arracher à ce confort trompeur de ses propres projections mentales.

En écrivant, je pensais à tous ces moments où j’ai moi-même été victime de ce mirage, où j’ai préféré mes illusions à la vérité crue du monde. Je voulais partager cette prise de conscience, cette invitation à voir plutôt qu’à penser, à être plutôt qu’à juger.

Mais je ne suis pas dupe. Je sais que mes mots sont eux-mêmes une projection, une tentative de donner forme à une intuition fuyante. C’est tout le paradoxe de l’écriture : utiliser le mental pour critiquer le mental, user de mots pour inviter au silence.

Si j’ai choisi d’écrire ce texte, c’est aussi par amour du langage, pour le plaisir de jongler avec les mots, de créer des images qui, je l’espère, résonneront dans l’esprit du lecteur. C’est ma façon à moi de créer du sens dans ce monde qui parfois en semble dépourvu.

Conclusion

Ce texte est comme une invitation au voyage. Non pas un voyage géographique, mais un voyage intérieur, une exploration de ces terres inconnues qui se cachent derrière nos pensées, nos jugements, nos certitudes. J’espère que ces mots seront pour le lecteur comme une boussole, pointant vers un nord magnétique où la réalité se révèle dans sa nudité fascinante.

Ce texte est à la fois une confession et un défi. Une confession de ma propre lutte avec les illusions du mental, et un défi lancé au lecteur : oseras-tu voir le monde tel qu’il est, sans le voile confortable de tes pensées ?

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