Valence, les larmes du ciel

📍 Utiel, Province de Valence, Espagne
===
⚠️ Merci de lire avant de réagir. La photo qui accompagne ce texte a été prise il y a un an, lorsque la région souffrait de sécheresse. Le contraste entre ces deux moments nous invite à la réflexion plutôt qu’à l’admiration esthétique de cette photo.
===

« J’étais à Valence il y a un an jour pour jour…
Ce 29 Octobre, Sur les rives de cette Méditerranée, Valence l’espagnole nous offre un spectacle aussi terrifiant qu’édifiant. En cinq mois à peine, le temps d’un battement de cils à l’échelle géologique, la cité est passée de la soif à la noyade. Les éléments nous montrent, avec une violence sourde, notre insignifiance.

Nos cœurs se serrent sur ces rues transformées en torrents et songent à l’ironie du sort. La chaleur, cette maîtresse capricieuse, joue sur deux tableaux. D’une main, elle dessèche le sol, transformant peu à peu le jardin méditerranéen en appendice du Sahara. De l’autre, elle réchauffe les flots de notre mer commune, créant un chaudron d’où s’échappent des vapeurs promises à des retours fracassants.

Quand l’air glacé du nord, tel un mur de pierre, bloque ces nuées gorgées d’eau venues du sud, le ciel se déchire. Les Cévennes françaises en savent quelque chose, elles qui reçoivent ces déluges telles des gifles célestes. Valence, en étant aujourd’hui soumise aux mêmes lois implacables d’une nature en mutation, rejoint ce club peu enviable des cités martyres de la météo moderne.

On nous dit qu’il faut s’adapter. Quel euphémisme ! Comment adapter une ville millénaire à ces humeurs d’un ciel devenu fou ? Il y a eu ces apprentis sorciers du béton qui persistent à étendre les communes semblables à des nappes d’huile, puis qui s’étonnent que l’onde ne trouve plus où s’infiltrer.

Le liquide qui manquait hier tombe aujourd’hui en cascade, tel un ciel cherchant à se faire pardonner de son absence. Mais le sol, durci par des mois de sécheresse, ne sait plus boire. Il ressemble à ces voyageurs assoiffés qui, trouvant enfin une source, ne peuvent que laisser couler le précieux élément entre leurs doigts.

Comment ne pas voir l’absurde dans nos calculs de moyennes et nos statistiques ? Les pluies d’une année concentrées en quelques heures ne valent pas douze mois d’ondées régulières. Le torrent qui dévale tel un troupeau fou vers la mer n’a pas le temps de nourrir les sols.

Nous voici donc face à l’inédit, ce mot qui devrait nous faire trembler. Car l’inédit en matière de climat signifie souvent l’inquiétant. Pendant que nos édiles débattent du coût de l’adaptation, la Méditerranée continue de se réchauffer, promesse de nouvelles surprises dont nous nous passerions volontiers.

Dans ce chaos liquide, des vies se sont éteintes, emportées par les flots déchaînés. Ces disparus de Valence nous enseignent notre fragilité face aux éléments. Leurs noms vont résonner dans le silence qui suit la tempête, à la manière d’échos de notre vulnérabilité. Pensons à ces familles déchirées, à ces destins brisés par la fureur des eaux. La nature reprend ses droits avec une violence qui nous laisse orphelins de certitudes, endeuillés mais plus lucides sur notre condition d’hôtes éphémères de ce monde. Ces victimes sont les témoins silencieux d’une époque où le ciel peut, en quelques heures, métamorphoser nos rues en courants funestes.

Dans les ruelles de Valence, entre les façades encore marquées par la sécheresse d’hier et les sous-sols inondés d’aujourd’hui, nous ne pouvons que méditer sur notre entêtement à ne pas voir l’évidence : le temps des demi-mesures est révolu. Transformer nos cités n’est plus un luxe, c’est une course contre la montre. Et pendant que nous tergiversons, le thermomètre, lui, ne négocie pas. »